France Logistique : « La réindustrialisation va amener davantage de besoins logistiques »

Stratégies Logistique : Quelles sont les conséquences de la réindustrialisation sur la logistique ?
Maxime Forest : Le contexte de réindustrialisation va amener davantage de besoins logistiques. Selon les études gouvernementales, on peut s’attendre à une croissance de 12 % du besoin en transport de marchandises sur le sol français d’ici 2050. 2 200 ha de surface d’entrepôts, rien que pour l’industrie, seront nécessaires à l’horizon 2030 selon le rapport du préfet Mouchel-Blaisot. Cela montre à quel point le développement de l’industrie devra aller de pair avec le développement de la fonction logistique, en amont et en aval. En outre, l’évolution des modes de production et le développement de l’économie circulaire pour trier, recycler, que ce soit des biens de grande consommation mais aussi des matériaux dans le BTP, vont engendrer une croissance des flux retour et donc une évolution des stocks, qui devront être reconfigurés sur le territoire, plus proches des nouveaux besoins. Cela crée des opportunités de développement pour les entreprises mais nécessite de disposer d’espaces de stockage supplémentaires.

À quelles barrières se heurte la logistique pour accompagner ces nouveaux besoins ?

MF : Afin d’accompagner la réindustrialisation, les logisticiens ont besoin d’espace, et donc de foncier disponible pour installer des entrepôts. Or, l’environnement réglementaire évolue. L’objectif du ZAN va impliquer une exigence encore plus forte sur la qualité des projets logistiques, car il introduit une concurrence entre les différents usages des sols. Si l’on a besoin d’installer des entrepôts, on doit le faire au barycentre des bassins de production et de consommation. À ces endroits, les friches les plus facilement réversibles sont déjà exploitées. Pour optimiser l’utilisation du sol, un enjeu est de développer la verticalité, avec des entrepôts à plusieurs étages. Mais il y a encore des défis à relever pour clarifier l’application des règles existantes, des normes ICPE aux questions de sécurité examinées par les SDIS, et qui à ce jour limitent cette verticalité. Un autre frein tient aux délais d’instruction des dossiers d’autorisation, qui sont encore variables d’un territoire à l’autre pour les nouveaux entrepôts logistiques, et aux délais de traitement des recours qui sont très peu prévisibles. En France, la purge des recours intervient plus tardivement que dans d’autres pays en Europe, ce qui limite la visibilité des acteurs.

« La perspective de nouveaux grands sites industriels renouvelle l’attention qu’il faut porter à la massification logistique ».

SL : Face à ces contraintes quels sont les leviers possibles pour faciliter le développement d’entrepôts dédiés à l’industrie ?
MF : Le premier enjeu est d’améliorer l’acceptabilité de la construction de nouveaux entrepôts. Pour cela, il est important de faire valoir l’apport de ces entrepôts aux collectivités, en termes d’emploi, d’attractivité d’autres activités économiques et plus largement de développement des territoires. Le deuxième enjeu, c’est que les projets d’immobilier logistique soient irréprochables sur le plan environnemental. À ce sujet, les promoteurs comme les logisticiens utilisateurs sont clairement engagés dans cette démarche de réduire les impacts environnementaux des projets, y compris de manière volontaire en plus des obligations réglementaires.
Concernant les délais d’instruction des dossiers d’installation d’entrepôts, France Logistique se réjouit que le gouvernement ait annoncé un chantier prioritaire de simplification administrative, qui doit aller dans le sens de sécuriser les conditions d’installation des entrepôts, pour soutenir la réindustrialisation. Cette simplification doit permettre de raccourcir les délais et donner un maximum de visibilité aux acteurs sur la possibilité et les conditions dans lesquelles leurs projets peuvent être développés.
Plus globalement, nous portons le message d’un besoin accru de planification du territoire en matière logistique, laquelle doit se faire de manière coordonnée entre les acteurs privés qui expriment des besoins et les acteurs publics qui ont pour rôle d’organiser l’utilisation de l’espace en conciliant les différents objectifs de politiques publiques. Pour cela, il faut des outils, des données et des cartes, qui permettront d’accélérer cette planification territoriale de la logistique.

Le déploiement d’entrepôts XXL et mutualisés entre plusieurs industriels est-il une solution pour soutenir la logistique de réindustrialisation ?
MF : Aujourd’hui, les contraintes foncières et réglementaires amènent parfois un émiettement des entrepôts, au-delà de ce qui est souhaité par les acteurs économiques. Afin d’optimiser les flux, la massification, donc le regroupage des flux et des stocks, peut être très efficace. On le voit avec les entrepôts de grande taille qui peuvent être pertinents sur le plan économique mais aussi sur le plan environnemental. Quand on massifie, on arrive à mieux remplir les camions, donc on en diminue le nombre sur les routes. La massification renforce également l’intérêt des autres modes de transport comme le fluvial et le ferroviaire, qui sont plus intéressants lorsque l’on a des grandes quantités à transporter.
La réindustrialisation et la perspective de nouveaux grands sites industriels en France renouvellent l’attention qu’il faut porter à la massification logistique. Dans certains cas, les grandes plateformes et les grands entrepôts pourront être une bonne réponse, à la fois économiquement et écologiquement. Cette question doit être abordée collectivement, par les pouvoirs publics et en lien avec les besoins économiques, dans le cadre d’une planification territoriale de la logistique qui doit devenir une réalité.