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Covid-19 : le fret aérien dans l’attente des passagers

, par Luc Battais

L e transport aérien de marchandises survit dans l’attente de la reprise des « vols commerciaux », c’est-à-dire des vols passagers. La tension sur les prix est restée très forte notamment à l’export, conduisant à la généralisation du « sea-air ». Francis Seuront directeur France de l’activité aérienne de Kuehne + Nagel fait le point à fin mai.

Le groupe K+N est l’un des grands acheteurs de transport aérien et maritime au travers de son réseau mondial de commission de transport. Nous avons demandé à Francis Seuront, directeur France de l’activité aérienne de Kuehne + Nagel, une analyse de la situation du fret aérien deux semaines après le début du déconfinement en France.

Nouveau plan de transport aérien

Francis Seuront commence par expliquer que l’activité s’est presque arrêtée totalement du 15 mars au 15 avril du fait de l’arrêt brutal des lignes commerciales transportant des passagers qui emportent dans leurs soutes près de 80% de l’ensemble du fret aérien. Cet arrêt a immédiatement provoqué une très forte augmentation des prix sur les capacités restantes c’est à dire sur les avions tout cargo vers lesquels s’est immédiatement portée la demande dans le cadre de contrats d’affrètement (vols charters) et cela, dans un premier temps, pour importer des masques d’Asie. « A cette époque, la Chine n’ayant pas encore totalement redémarré ses usines, c’est vraiment l’exportation de masques qui a mobilisé l’essentiel de la capacité ; le reste était le plus souvent affrété par des clients américains qui ont continué encore un temps à importer des matériels high-techs et des pièces industrielles avant qu’à leur tour les Etats-Unis arrêtent une partie de leurs activités économique vers la fin de la première semaine d’avril » explique Francis Seuront.
Dans ce contexte, le commissionnaire a mis en place à Francfort une cellule de pilotage de son plan de transport aérien pour l’Europe, affrétant les avions nécessaires à la réouverture d’une vingtaine de routes majeures vers les USA, l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique du sud, l’Amérique du sud sur certaines destinations de la côte Est, au moyen d’avions cargo ou d’avions passagers « décommercialisés » qui ne transportaient que du fret.
Le coût d’exploitation très supérieur à celui des avions transportant aussi des passagers est venu contribuer à la hausse des tarifs. « En fonction des destinations et des périodes l’augmentation des prix peut varier entre 3 et 10, à l’export comme à l’import » indique Francis Seuront.

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Francis Seuront, directeur France de l’activité aérienne de Kuehne + Nagel
® DR

Quand les prix au départ d’Asie ont augmenté de 7 à 10 fois faute d’avions, tous les exportateurs se sont tournés vers le sea-air

Le sea-air à la rescousse

Depuis la fin avril les compagnies aériennes se sont adaptées : « Une compagnie comme Air France-KLM avait commencé avec un mini réseau c’est-à-dire avec peu de capacités sur quelques destinations. Et au fil des semaines elle a étoffé son offre et les vols s’ajoutent au fur et à mesure. » Les flux aériens internationaux ont jusqu’à présent toujours trouvé des aéroports pour les accueillir.
La tension sur les prix est restée très forte car l’offre était et reste toujours insuffisante notamment à l’export. Du coup le transport aérien devenant trop cher pour certains produits, par exemple les produits alimentaires périssables, les chargeurs sont alors passés au transport maritime. « C’est le cas des produits en sortie de Rungis à destination des Dom Tom, beaucoup de produits qui passaient par le transport aérien utilisent le maritime » témoigne Francis Seuront.
Mais les industriels se heurtaient alors à un autre problème, celui du manque de conteneurs maritime sous-température dirigés (reefers). « Cette pénurie a débuté bien avant la crise du Covid, explique le responsable de l’aérien chez K+N, certains chargeurs de produits pharmaceutiques étaient même repassés du maritime à l’aérien » . Le groupe K+N a réussi à reconstituer une capacité de conteneurs maritimes reefers en les achetant plus cher. Dès lors le prix du transport maritime sous température dirigée a, à son tour augmenté, donnant une priorité de fait dans l’accès a transport aux industriels de la pharma dont la valeur des produits pouvait supporter la hausse de prix. »

Départs de Chine en maritime

Cette faiblesse de l’offre et la force des prix de l’aérien ont conduit les chargeurs à chercher d’autres modes de transport. Francis Seuront raconte que même les liaisons ferroviaires entre la Chine et l’Europe ont été regardées de près. Les marchandises partent finalement de Chine en maritime, ce qui, au passage, permet d’éviter parfois plusieurs jours d’attente au départ quand les expéditions de masques saturent la capacité et continuent leur parcours vers l’Europe transférée à mi chemin sur le transport aérien. La route habituelle passe par l’aéroport de Dubaï, mais K+N a ajouté une route passant par l’aéroport de Los-Angeles.
« Avant la crise du Covid, le sea-air était plutôt employé dans le textile quand un exportateur était en retard sur ses délais mais pas suffisamment pour avoir besoin à de l’avion de bout en bout et pouvait de contenter d’un transit time de 10 à 12 jours, aujourd’hui la nature des marchandises a un peu évolué. » Cette alternative reste actuellement la plus utilisée au départ d’Asie vers l’Europe, pour un prix globalement bien inférieur au tout aérien.

Reprise des flux de l’e-commerce et de la high-tech

Francis Seuront reste optimiste pour la suite : « Les vols passagers vont reprendre progressivement et une fois que tous les pays européens seront servis en masques, les prix de l’aérien devraient commencer à baisser. Les vols charter iront se repositionner sur d’autres destinations, soit pour l’industrie automobile soit pour les produits high-tech dont les flux vont reprendre pour reconstituer les stocks dès que les surstocks accumulés ces derniers mois seront écoulés. Les flux qui redémarrent aujourd’hui sont ceux de l’e-commerce et de la high-tech qui peuvent supporter des prix un peu plus élevés en sortie d’Asie avion. »

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