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Jean-Thomas Schmitt, nouveau président de l’Union TLF : « Si l’on a des convictions, il faut être capable de les défendre »

, par Sylvain Chanourdie

Elu à présidence de l’Union TLF le 12 mars, Jean-Thomas Schmitt partage sa vision et ses ambitions pour les professionnels de la chaîne logistique. Entre crises multiples et dialogue institutionnel plus difficile, le PDG du groupe Heppner inscrit son mandat dans la continuité d’Eric Hémar.

Après six années passées au sein des instances dirigeantes d’Union TLF, quelles motivations, quelles convictions vous ont poussé à présenter votre candidature à la présidence ?
Jean-Thomas Schmitt – Mon implication au sein de l’Union TLF s’inscrit dans la continuité des engagements du groupe Heppner lui-même au sein de plusieurs commissions et à plusieurs échelons de TLF. Ce depuis plusieurs décennies : mon père [Jean Schmitt, qui a dirigé l’entreprise familiale pendant plus de 40 ans, NDLR], avait déjà été président de la commission messagerie nationale il y a plus de 20 ans !
Durant ces six dernières années en tant que membre du conseil d’administration et du comité directeur, j’ai pris plaisir à travailler aux côtés d’Eric Hémar et d’autres dirigeants. Outre un très bon niveau professionnel, nos instances ont l’avantage de représenter l’intégralité du spectre des métiers du transport et de la logistique et de leurs différentes tailles d’entreprises. Humainement, j’ai pu aussi apprécier un groupe de dirigeants désireux de travailler pour l’intérêt général en chassant en meute. Enfin, mon nouvel engagement à la présidence d’Union TLF repose sur deux convictions. L’entrepreneuriat en France doit être davantage valorisé et favorisé. Au sein du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), en tant que vice-président en charge de la coordination des clubs, j’ai pu appréhender le monde institutionnel et obtenir des résultats auprès de la puissance publique. Mon autre conviction est qu’il faut dédier un peu de son temps à l’intérêt général, à la défense de certaines positions de sa profession. Si l’on a des convictions, il faut être capable de les défendre !

Nous subissons un effet ciseaux dans un contexte de fiscalité accrue et de remise en cause de nos positions

Quelle impulsion souhaitez-vous donner à l’Union TLF en regard des deux mandats d’Eric Hémar et de la conjoncture tendue du secteur ?
J.-T. S. - Je m’inscris totalement dans la continuité de ce qu’a fait Éric Hémar. Il me laisse une situation extrêmement favorable, avec une équipe de très bon niveau chez TLF et des finances solides. Il a redynamisé la fédération et renforcé notre assise en tant qu’instance représentative du secteur. Eric nous a positionné auprès des pouvoirs publics en acteur crédible, ouvert, constructif mais très exigeant et donc entendu. Mon but est donc de poursuivre les combats qu’il a menés. Ce sont souvent des combats défensifs malheureusement compte tenu de la multiplication des crises que nous avons subies ces dernières années.
Depuis mi-2024, les entreprises de transport traversent une nouvelle période difficile. Nous subissons cet effet ciseaux dans un contexte de fiscalité accrue et de remise en cause de nos positions. Le maritime souffre des grèves perlées dans les ports, entraînant la déviation de 30 % des volumes qui auraient dû transiter par la France vers d’autres ports. Parallèlement, le métier est chahuté aussi par l’augmentation des coûts significative, de 7,3 % depuis deux ans.
Malgré ce contexte, nous avons réussi à défendre certaines positions de la profession. En logistique contractuelle par exemple, nous avons évité la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom). Il faut continuer à se battre car cela revient chaque année. La conviction c’est l’art de la répétition. Les victoires ne sont jamais acquises, il faut constamment faire preuve de pédagogie.

Le dialogue avec l’Etat s’est compliqué depuis la dissolution du gouvernement…

J.-T. S. - Oui, la relation institutionnelle a profondément changé depuis l’été dernier. Auparavant, nous pouvions avancer auprès des ministères pour qu’ensuite des projets de loi et décrets soient soumis à une Assemblée dotée d’un parti majoritaire. Aujourd’hui, les ministres ont une faible visibilité dans le temps et l’Assemblée sans majorité peut se saisir de décrets directement. Cette démultiplication des acteurs politiques nous demande beaucoup de moyens. Le travail d’Eric Hémar ces dernières années a précisément consisté à mener nos dossiers à la fois de façon offensive, avec toute la pédagogie nécessaire pour faire valoir l’importance de notre secteur, mais aussi sur un mode défensif car malheureusement nos objectifs à trois ans ne résistent pas au premier décret contraire… Dans cette double approche, Eric a été extrêmement moteur et a nous a permis d’éviter le pire.

Nous cherchons à nous placer plus en amont à l’échelle européenne

Votre feuille de route à la présidence de l’Union TLF* mentionne le « développement de relais d’influence dans les territoires  ». Dans quel but et avec quels moyens ?
J.-T. S. - Dans le cadre actuel d’un fonctionnement central de l’Etat un peu grippé et alors que le sens de l’histoire va vers la décentralisation, les modalités d’application d’un certain nombre de réglementations nationales et européennes sont de plus en plus déléguées aux territoires. C’est le cas par exemple de la loi ZAN, traitée à l’échelon régional à travers les SRADDET (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires). Il est indispensable que l’Union TLF soit en mesure d’accompagner les adhérents qui maillent ces territoires et ceux qui y ont des antennes locales pour chasser en meute sur des thématiques communes à l’échelle régionale.

Autre exemple, les écotaxes. Je ne m’étendrai pas sur la taxe poids lourds R-Pass en Alsace, créée par la Communauté européenne d’Alsace, une structure administrative orthogonale à loi de 2015 sur les grandes régions… Toujours est-il que des projets d’écotaxes émergent, il faut suivre leur développement de manière décentralisée grâce à nos délégués régionaux. Ils sont très actifs et ont fait un très bon travail. A un échelon plus local, les ZFE et autres ZTL demandent aussi un soutien de nos adhérents. Nous leur apportons une boîte à outils méthodologique, des kits de discussion pour les aider à gérer ces sujets complexes et éviter de se retrouver avec un concours Lépine du mode de fonctionnement le plus compliqué à appliquer ! Ces réglementations locales sont un vrai frein au développement des entreprises de transport.
L’autre terrain de jeu règlementaire de TLF c’est l’Europe. 40% des normes françaises proviennent de l’UE. Elles sont quasi systématiquement surtransposées ce qui nécessite une vigilance accrue sur les textes appliqués en France. Au-delà de ce mode défensif, nous cherchons à nous placer plus en amont, à l’échelle européenne, pour mieux anticiper les décrets et pouvoir potentiellement influencer les prises de décisions. Nous avons récemment nommé une responsable des affaires européennes, Stephany Vargas, qui a présenté 35 textes à impacts pour nous. Nous choisirons avec nos adhérents un certain nombre de combats à mener.

Nous demandons la proportionnalité des normes

A l’échelle européenne justement, comment percevez-vous la volonté actuelle d’assouplissement de la mise œuvre du Pacte vert ? Est-ce une bonne nouvelle ?

J.-T. S. - Notre position à l’Union TLF, comme au METI d’ailleurs, ne change pas. Nous ne demandons pas l’abrogation des règlements environnementaux. Nous sommes bien conscients que la transition environnementale ne se fera pas spontanément. Mais si les ambitions sont bonnes, les calendriers de mise en œuvre ne sont pas réalistes. Une réduction de 90 % des émissions de CO2 en 2040 est intenable. Ce que nous demandons c’est la proportionnalité des normes. Si les grandes entreprises ou des ETI ont la capacité d’allouer des ressources pour mettre en œuvre les nouvelles normes, ce n’est pas le cas des PME et TPE. Le report et la simplification de la CSRD par exemple, en cours de discussion, va dans le bon sens. A cela s’ajoute des télescopages avec d’autres nouvelles normes. Par exemple, la dématérialisation des factures n’est pas un enjeu d’une grande complexité mais il s’ajoute au reste. Nous souhaitons des objectifs « smart » : ambitieux mais raisonnables.

L’Europe doit se réveiller

Quelle est votre lecture de la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis ?

J.-T. S. - Dans l’immédiat, on a pu constater l’an dernier du restockage aux États-Unis sous l’effet d’anticipations de nouvelles taxes douanières. Du coup il y a actuellement moins de demande de transport. Parallèlement, les prix à la consommation restent à peu près stables. Mais il est certain que la prochaine mise en place de barrières douanières aura un impact défavorable sur la consommation, il faut l’anticiper. On peut aussi s’attendre à des refontes de supply chains ici et là à court terme. A plus long terme, on se dirige vers une plus grande régionalisation des échanges, au sein de grandes zones : Amérique du Nord, Europe, Asie du Sud-Est. Nous entrons à une logique de marchés intérieurs tirée par les États-Unis. La Chine avait fait ce pivot depuis plusieurs années, mais plus lentement. La conjoncture économique mondiale risque donc de se dégrader. Les répercussions se font déjà sentir sur les prévisions de PIB en France.
Dans ce contexte, l’Europe doit se réveiller. Elle doit sortir d’un schéma pensé autour de l’industrie allemande, favorisant l’exportation des biens allemands, créant une dépendance au gaz russe et dépréciant l’énergie nucléaire. Cette politique a favorisé la Chine, qui a pu nous proposer des produits sur lesquels on aurait dû garder un avantage comparatif. Les panneaux solaires et maintenant les véhicules électriques sont emblématiques. Il faut prendre en compte la réalité de ce mouvement géostratégique. Nous devons nous adapter aux chaînes de production de nos clients et de nos chargeurs.

La clé reste la consommation intérieure

Les plus grandes entreprises de logistique sont-elles moins exposées à cette « démondialisation » ?
J.-T. S. - Les grands acteurs de la logistique subissent tout autant la conjoncture internationale actuelle dans le maritime et l’aérien. Les flux terrestres vont aussi être modifiés d’une certaine manière, mais je pense qu’ils continueront à bénéficier à la très grande majorité de nos adhérents. Ceux qui couvrent l’ensemble de la chaîne logistique perdront sans doute d’un côté ce qu’ils regagneront l’autre. Pour nos plus petits adhérents, il est fondamental de retrouver une dynamique de marché non seulement de consommation intérieure mais aussi de production intérieure. C’est là que je dis l’Europe doit se réveiller. La France, avec un taux d’endettement et un déficit budgétaire élevés n’est pas dans une situation favorable pour relancer la machine. On peut critiquer tout ce qu’on veut autour de nous, la clé reste la consommation intérieure.

* La feuille de route de Jean-Thomas Schmitt s’articule autour de trois axes :

  • Amplifier l’action institutionnelle pour la défense des intérêts de la profession, avec une attention particulière à la compétitivité de la filière française, tant au niveau national qu’européen, et le développement de relais d’influence dans les territoires.
  • Valoriser l’attractivité des métiers du transport et de la logistique, par un dialogue social de qualité et en s’appuyant sur les leviers d’innovation et de transition écologique du secteur.
  • Renforcer les services aux adhérents, avec le déploiement d’outils adaptés aux problématiques des opérateurs du secteur et une intensification des informations techniques et juridiques.

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